«Nanoparticules dans nos assiettes !» par Jean-Claude Brianceau
Dans notre n°60 de septembre 2014, nous avions déjà abordé le sujet des nanotechnologies mises en application dans de multiples domaines y compris dans des produits de consommation courante. Rappelons qu’une nanoparticule est un matériau naturel dont une ou plusieurs dimensions externes se situent entre 1 et 100 nanomètre (nm). Un nanomètre est une unité de longueur représentant 1 milliardième de mètre, soit 1 millionième de millimètre, ou 1 millième de micron. Les connaissances concernant les nanotechnologies ont progressé très rapidement depuis quelques années et représentent aujourd’hui un progrès scientifique considérable avec de multiples applications possibles. Certaines applications présentent un risque pour les êtres vivants, y compris pour l’homme. En effet, la taille d’une nanoparticule est bien inférieure à celle d’une cellule humaine. Des études ont mis en évidence que les nanoparticules peuvent passer dans le sang ou les cellules, via les poumons et les pores de la peau. Le Ministère de la Santé n’a pas encore émis de normes en matière d’exposition aux nanoparticules alors que les pollutions de l’air résultant des activités humaines ne cessent de croître et que la production industrielle est déjà lancée dans de multiples domaines touchant aux produits de consommation.
L’avancées des connaissances scientifiques qui permettent de mieux comprendre la matière dans notre environnement, et sont enrichissantes pour l’humanité. Il s’agit tout simplement de ne pas accepter de se soumettre à certaines applications qui ont pour premier objectif de faire « de l’argent facile ». Elles nous sont proposées en faisant miroiter le « toujours plus », le « moins cher », la facilité, la mode….alors que nous n’avons aucun besoin, et que trop souvent elles sont néfastes pour notre santé sur le long terme. C’est ce qui se produit actuellement avec l’introduction, par l’industrie agro-alimentaire, de nanoparticules dans des aliments que nous retrouvons dans nos assiettes. Le contact n’est plus limité à la peau et aux poumons mais directement à tout notre tube digestif. Ceci ne représente plus un risque mais un danger certain.
En juin dernier, l’association Agir pour l’environnement a rendu publique le résultat d’une enquête réalisée sur quatre produits des plus ordinaires et de marques très connues : des biscuits chocolatés, des chewing-gums, une conserve de blanquette de veau, un mélange d’épices. Les analyses ont été faites par le très célèbre Laboratoire National de Métrologie rattaché au Ministère de l’Industrie. Les quatre produits contiennent tous des nanoparticules : de dioxyde de titane pour les trois premiers et de dioxyde de silicium pour le dernier. Le premier ingrédient est utilisé pour blanchir les aliments ou modifier la teinte de leurs colorants, le second pour fixer l’humidité. D’autres variétés de nanoparticules sont aussi utilisées pour améliorer l’aspect, la saveur, la texture ou la conservation des aliments. L’ajout de ces nanoparticules pose un problème réglementaire et surtout un problème sanitaire.
La réglementation européenne de décembre 2014 exige que la mention « nano » soit portée, à partir de décembre 2015, sur les emballages des produits qui en contiennent. Aucun des 4 aliments analysés portait cette mention, et tous contenaient des nanoparticules inférieures à 100 nm.
En mai 2014; l’ANSES a rendu un avis déclarant que certains matériaux sous forme de nanoparticules sont « toxiques pour l’homme ; il existe suffisamment de données scientifiques pour pointer les risques et dans dix ans il sera trop tard pour se poser la question de leur encadrement ». Les nanoparticules peuvent pénétrer dans les poumons ou dans le sang, par inhalation ou par ingestion, et franchir les barrières physiologiques protégeant l’organisme : barrière cutanée, alvéolo-capillaire (isolant les alvéoles pulmonaires des vaisseaux sanguins), hémato-encéphalique (protégeant le cerveau des agents pathogènes du sang), placentaire (séparant les circulations sanguines de la mère et du fœtus)….
Dès 2006, le CIRC a classé le dioxyde de titane comme « cancérigène possible » pour l’homme lorsqu’il est inhalé. En juin dernier, l’ANSES a soumis à l’Agence européenne des produits chimiques une proposition pour classer le dioxyde de titane « substance cancérogène par inhalation présumée ».
Face à ces risques bien réels aujourd’hui, prenons conscience de la situation. Les analyses réalisées en juin dernier ne portaient que sur quatre produits, mais bien d’autres sont probablement concernés. Lors de notre conférence du 23 octobre 2014, le cuisinier Jérôme DOUZELET nous avait déjà mis en garde sur l’usage des nanoparticules en cuisine et en pâtisserie. En l’absence de réglementation sanitaire concrète et face à la multiplication rapide des usages dans l’agroalimentaire, dans l’immédiat, il serait sage d’imposer un moratoire sur l’incorporation de nanoparticules dans l’alimentation.
En tant que consommateur, soyons vigilant sur l’étiquetage qui devrait se mettre en conformité rapidement, et dans le doute, le recours aux produits étiquetés « Bio » est plus sûr.
Exigeons une transparence
sur le contenu de nos assiettes.