Et pourtant elle vit !

« Nous ne voulons pas croire ce que nous savons ».

par Jean-Claude PIERRE

Ce propos du philosophe des sciences, Dominique BOURG, résume bien notre attitude face aux dégradations que nous infligeons à la Terre.

Chaque jour apporte des informations de plus en plus précises et concordantes sur la diversité et la gravité des atteintes à la nature. Mais nous donnons le sentiment de ne pas les prendre au sérieux et d’ignorer les conséquences économiques, sanitaires, morales, sociales, géopolitiques qui en découlent et s’amplifient.

C’est là un déni qui interpelle et qui prépare des lendemains bien sombres…Les prévisions établies par les organismes spécialisés des Nations-Unies devraient suffire : elles avancent le chiffre de 250 millions de « déplacés climatiques » dans les trente prochaines années ! Mais nous en sommes loin, à faire comprendre que nous allons au-devant de défis comme l’humanité n’en a encore jamais eu à relever…

Pour contrer ce déni collectif dont nous sommes tout à la fois les témoins et les acteurs, des rapports – tels ceux du GIEC 1 et de l’IPBES 2 – bien que fondés sur les avancées scientifiques les plus récentes, ne seront pas suffisants, comme ce fût le cas à la fin du Moyen-Âge, lorsque les travaux de Copernic vinrent bousculer la vision du monde qui prévalait alors, pour rompre avec la différence, la résignation et la désinvolture qui caractérisent l’attitude générale. C’est d’une révolution et même d’une double révolution dont aujourd’hui nous avons besoin.

La première, déjà engagée, consiste à reconnaître que la Terre n’est pas une planète comme les autres car elle possède le privilège—peut-être unique—de porter la vie ! Ce constat devrait suffire à justifier que nous nous devons de la cultiver avec sagesse au lieu de l’exploiter selon la mentalité affairiste qui prévaut, comme si elle n’était qu’une carrière, un gisement…

 

 

 

 

 

Mais il nous faut aller plus loin encore pour, enfin, reconnaître que notre planète n’est pas seulement le support de la vie : c’est un organisme à part entière, doté d’une vitalité qui lui est propre !

On est là au cœur du concept Gaia, énoncé par l’écologue James Lovelock. Ce concept a suscité de sévère critiques au motif qu’il relevait d’approches caractérisant le « New Age ».

Mais les choses évoluent et il est aujourd’hui mieux pris en considération au fur et à mesure que progresse la connaissance des subtils et complexes mécanismes d’autorégulation qui assurent le fonctionnement de l’écosystème terrestre.

S’agissant de la Terre, si les « modernes » que nous sommes étaient dans les dispositions d’esprit requises pour réactualiser et compléter la célèbre exclamation de Galilée en affirmant : « Non seulement elle tourne, mais elle vit ! », nous changerions à coup sûr et de manière radicale notre vision du monde.

Nous démontrerions que nous sommes capables de dépasser les approches scientistes, utilitaristes et réductrices, qui prévalent depuis Bacon et Descartes.

Nous pourrions alors nous ouvrir à de nouvelles considérations, renouer avec d’antiques sagesses et, pourquoi pas, même reconnaître à la Terre, la « demeure des hommes », un caractère éminemment sacré !

Ce serait, pour l’humanité, un pas décisif dans la voie de l’infini respect avec lequel elle se devrait de traiter…le sanctuaire de la vie !

 

1 Groupe Intergouvernemantal d’Experts du Climat

2 Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les écosystèmes

 

 

Post Author: Didier Dolé