La tularémie

Par DR Christian BIZOT

La tularémie est une maladie infectieuse classée dans les anthropozoonozes qui peut être grave chez l’homme. De nombreuses espèces animales sont sensibles à son agent causal, Francisella tularensis : les rongeurs (campagnol, rat musqué…), les lagomorphes (lièvre, lapin…), les arthropodes (tique, taon, moustique), les animaux d’élevage (bovin, ovin) ou de compagnie (chat, chien). Mais seuls quelques-uns de ces animaux constituent des sources importantes d’infection pour l’homme ; ce sont principalement les lièvres. La bactérie est capable de survivre pendant plusieurs semaines en milieu extérieur, notamment dans l’eau et le sol. En France, on compte une cinquantaine de cas /an. La maladie peut être transmise à l’homme par contact avec les viscères (chasse). Les chasseurs et les personnes en contact régulier avec les animaux représentent l’essentiel de la population à risque. Attention quand vous cuisinez un lièvre à la royale !! Dans les trois quart des cas, la tularémie est transmise par contact direct de la peau (pénétration du germe à travers la peau saine possible mais favorisée par des égratignures). Ce germe est hautement infectieux, une dizaine de germes suffisant pour déclencher une infection parfois grave.

 

La maladie

L’incubation est classiquement courte (de 1 à 3 jours), mais peut durer jusqu’à 15 jours. La maladie peut revêtir une forme locale (deux tiers des cas) : ganglion qui évolue vers la suppuration ou une forme typhoïde, généralisée, parfois avec éruption. Elle peut donner une forme pneumonique grave. Les signes cliniques résultent ensuite de la porte d’entrée de la bactérie. À partir de la lésion au point d’inoculation, la bactérie diffuse dans le territoire ganglionnaire de drainage, responsable d’importantes adénopathies. La dissémination systémique peut ensuite survenir, avec une atteinte multi-viscérale. Cette atteinte a pour conséquence des manifestations de la maladie sous différentes formes cliniques :

La forme typhoïdique qui débute brutalement par un syndrome pseudo-grippal dont l’évolution peut être grave avec un choc septique, coagulation intravasculaire disséminée, hémorragies, détresse respiratoire aiguë, confusion, défaillance d’organes et coma. Une dissociation pouls-température est observée dans moins de 50 % des cas.

La forme ganglionnaire caractérisée par la présence d’adénopathies dans un contexte fébrile, sans ulcération cutanée (de 5 % à 10 % des formes de tularémie).

La forme oculo-ganglionnaire par auto-inoculation (portage des mains). Des ulcérations de la cornée peuvent s’accompagner d’une conjonctivite purulente, d’un chémosis, d’un œdème périorbitaire, de nodules ou d’ulcérations conjonctivaux douloureux. Il existe des adénopathies pré-auriculaires, sous-maxillaires, carotidiennes ou cervicales.

La forme oropharyngée, observée après ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. Il existe une angine douloureuse avec hypertrophie des amygdales et fausses membranes blanchâtres.

Diagnostic microbiologique 

Les prélèvements biologiques pour le laboratoire de bactériologie à effectuer lors d’une suspicion de tularémie sont :
prélèvement de sérosités au point d’inoculation, prélèvement d’exsudats oculaires ou pharyngés, examens des crachats et du liquide pleural.

Diagnostic sérologique

C’est la méthode le plus fréquemment utilisée, mais elle ne permet qu’un diagnostic rétrospectif. La sérologie peut rester positive pendant 10 ans (une ascension significative du taux d’anticorps doit être observée pour poser le diagnostic d’infection aiguë par 2 prélèvements à 15 jours d’intervalle).

Le traitement.

Le traitement consiste en une antibiothérapie par cyclines (antibiotiques) ou par fluoroquinolones associés à un aminoside (comme la gentamycine) pendant 14 jours.

L’hospitalisation des patients dépend de la sévérité clinique de la tularémie. Le ministère de la santé recommande cependant l’hospitalisation de tout malade symptomatique. Aucun cas de transmission interhumaine de tularémie n’a été décrit et l’isolement des malades n’est pas nécessaire. Le ministère de la santé recommande un traitement oral pour les malades présentant une forme clinique modérée et un traitement intraveineux pour les malades devant être hospitalisés.

La déclaration obligatoire de la tularémie avait été supprimée en 1986. Elle a été réinstaurée en 2002 (Circulaire DGS/SD5 n°2002-492 du 20 septembre 2002 relative à la transmission). La tularémie  est inscrite au tableau des maladies professionnelles sous le numéro 68 pour le régime général, et sous le numéro 7 pour le régime agricole.

L’Institut national de veille sanitaire (INVS)  diligente une enquête épidémiologique et en cas de doute sur l’utilisation à une fin terroriste de F. tularensis, le procureur de la république doit être saisi. Ainsi, la bactérie a été classée par le Center for Disease Control (CDC) dans la catégorie A des agents potentiels de bioterrorisme, avec les agents de la maladie du charbon (Bacillus anthracis), de la variole, des fièvres hémorragiques virales, de la peste (Yersinia pestis), et de la toxine botulique. Vu sa propriété de traverser la peau intacte, Francisella tularensis est encore une arme bactériologique possible. La faible dose infectante (de 10 à 50 bactéries), la possibilité d’une contamination par voie inhalée et la sévérité des infections par Francisella tularensis font de cette bactérie un agent potentiellement utilisable dans le cadre d’un acte de bioterrorisme.

Amoureux de la nature

Attention à la tularémie !

Cette maladie qui peut être transmise par les lièvres, mais aussi par les tiques, est en pleine recrudescence en France. En cas de symptômes évocateurs (fièvre, ganglions, fatigue inhabituelle, conjonctivite ou plaie cutanée qui ne cicatrise pas) consultez votre médecin en précisant bien si vous avez été en contact avec un lièvre.

Pour se protéger :

A la campagne : porter des vêtements à jambes et manches longues.

pour le dépeçage et l’éviscération du gibier porter des gants sans oublier de désinfecter vos couteaux. En cas de blessure : désinfecter la plaie et consulter votre médecin.

Bien cuire la viande de gibier avant de la consommer.

Post Author: Didier Dolé