Périco LEGASSE : Echapper à la mal bouffe et sauver nos paysans

Plus de 800 personnes présentes à cette soirée ! Un public de jeunes et d’adultes,  d’agriculteurs de toutes sensibilités, du jamais vu pour le conférencier, et la preuve que la malbouffe attire l’attention et inquiète, aussi bien pour ses conséquences sur notre santé que pour l’avenir de notre économie agricole. Cette conférence a été organisée en partenariat avec Mutualité Française Centre Atlantique, APIVIA Mutuelle, Biocoop Bressuire, Conseil Départemental Deux-Sèvres, et les Etablissements d’enseignement agricole de Bressuire : Sèvre Europe et Campus des Sicaudières. 

La Malbouffe, calamité des temps modernes !

Manger, l’acte le plus essentiel à la vie, questionne notre société. Autrefois, c’était par la peur de manquer, maintenant c’est par le risque qu’il fait courir! On mange à satiété assurément mais on mange mal, c’est une vérité désormais admise de tous. Autrefois, même si tout n’était pas parfait, tout aliment provenait d’une agriculture naturelle et il arrivait tel quel dans l’assiette du consommateur. La tradition était de s’arrêter pour manger, le plus souvent en famille, plusieurs générations réunies. Mais l’industrie agro-alimentaire, la grande distribution ont inventé le packaging individuel : chacun consomme sa petite barquette, parfois seul et tout est fait pour inciter à grignoter à tout moment entre les repas. Le grand marchand de soda et le grand marchand de hamburgers sont prêts à tout moment pour vous servir ! On savait autrefois ce que l’on mangeait avec une gamme d’une quarantaine de produits. Aujourd’hui, on est à 300 ! Et les publicités présentes dans tous les medias pratiquent au quotidien un vrai lavage de cerveau à coups de spots, surtout auprès des jeunes : « En achetant ce produit tu seras dans la tendance » !  Périco Légasse ne décolère pas depuis qu’une enquête récente a révélé que 87% des 8/12 ans ne savent pas reconnaître une betterave ou un poireau, ignorent que le yaourt contient du lait et ne peuvent pas dire de quel animal vient le jambon… Une ignorance alimentaire tragique !

Halte aux produits ultra-transformés !

Les rayons des grandes surfaces regorgent de produits qui ont été ultra-transformés. Ces aliments se caractérisent par un manque criant de matières premières brutes. La chimie a pris le pouvoir sur la nutrition ; les firmes agro-alimentaires incorporent colorants et autres édulcorants. Autres exemples : les aliments consommés au petit-déjeuner par les enfants, comme les poudres chocolatées, par exemple, sont certes de plus en plus enrichies en vitamines mais contiennent plus de sucre que de cacao. Le sucre est souvent caché : de véritables bombes de sucre que les sauces ketch-up pour ne citer qu’elles ! 70% des sucres sont ajoutés et cachés, signalait dernièrement une revue spécialisée Première victime : la jeunesse dont une proportion, de plus en plus importante, présente les symptômes de l’obésité. Et puis, rien de mal, avoue Périco Légasse, à s’alimenter dans ces établissements distrayants pour jeunes, très jeunes et pourquoi pas en famille, dont les enseignes se retrouvent dans de très nombreux pays du monde, mais malheur à ceux qui abusent d’une telle nourriture trop riche en énergies inutiles, propre à ingurgiter, à doses sournoises mais régulières, des substances nocives pouvant constituer, à la longue, y compris dans leurs doses minimales, un cocktail mortel. On n’est pas fait pour s’alimenter ainsi, clame le conférencier qui nous apprend, d’une part, qu’il existe une vraie corrélation entre le risque de cancer et la consommation d’aliments transformés et d’autre part, que, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la courbe d’espérance de vie s’est inversée. Aujourd’hui on peut mourir de manger à sa faim ! 

Le vital, en grande surface !

« Achetez le moins cher et vous vous en porterez mieux ! ». Message bien reçu car 88% des français s’approvisionnent exclusivement en grande distribution qui s’est appropriée le marché alimentaire laissant la portion congrue aux commerçants de centre-ville (pour le consommateur qui n’a pas oublié qu’ils existent encore !), et plus rien pour ceux des campagnes. On a financiarisé l’alimentation : d’un acte alimentaire, nécessaire, on tire toujours plus de profit en vendant de moins en moins cher. Imaginons que le marché automobile s’y mette, on soupçonnerait le mensonge sur la qualité. C’est bien ce qui se passe pour l’alimentation, rien de moins et le prix le plus bas dissimule toujours un vol, soutient Périco Légasse. Un consommateur est toujours une proie et le tapage publicitaire, la musique d’ambiance des grands magasins, les animations commerciales, ont fait qu’il est aujourd’hui conditionné.

La grande surface est devenue le temple de la consommation et un lieu de loisirs incontournable pour les enfants. Tout est fait pour qu’on y consomme et même qu’on y surconsomme ; tout est à portée de mains pour que l’on vous fasse plaisir et retenez bien cela « C’est pas cher ou moins cher encore qu’ailleurs ! » 

Et les paysans ? 

La France bénéficie d’une biodiversité naturelle ayant engendré une multiplication des capacités agricoles, avec un patrimoine alimentaire, d’une prodigieuse richesse, ayant  généré des traditions culinaires multiples. Aurions-nous oublié les paysans qui ne représentent aujourd’hui que 3% de la population ? Avec la mécanisation, l’Europe et la mondialisation, l’agriculture n’a plus rien de commun avec celle d’autrefois : plus de structures à dimension familiale, après le remembrement disparition de 80% du bocage, notre patrimoine agricole en terme de diversité. Oui, maintenant, le paysan est devenu « un exploitant » disposant de matériels,  pour soulager ses efforts ; les rendements des récoltes sont  plus importants qu’autrefois, les animaux, en un demi-siècle, ont battu tous les records de productivité : poulets prêts à consommer en 8 semaines au lieu de 5 mois dans les années 50, vaches produisant 8 000 litres de lait par an au lieu de 2 000, poules pondant 250 œufs par an contre 130 autrefois… Une agriculture parée pour s’intégrer dans une logique gouvernementale de conquête de part de marché à l’international. Et enfin, comme bonus, la PAC dont les objectifs sont, entre autres, d’assurer des prix raisonnables au consommateur et un niveau de vie équitable à l’exploitant agricole. Pour le premier objectif, c’est réussi ; quant au revenu agricole, le marasme est général et on désespère quelquefois de savoir si un jour, on va s’en sortir. Depuis des dizaines d’années le message adressé à la profession agricole a été : « Produisez  en  quantité, ne vous souciez pas de qualité, ni d’environnement (et peu importe que vous n’ayez pas envie de consommer ce que vous produisez); l’important est d’être compétitif ». Certains vont s’en sortir mais malheur pour d’autres pris dans ce système aux risques insensés, avec surendettement et incapacité à rembourser, même avec des aides, d’où une faillite voire, à l’extrême, le suicide comme ultime fin à ce parcours de labeur sans issue. « Manipulés les paysans ! Il n’y a pas d’autres mots pour résumer comment on les a traités depuis des années » s’indigne Périco Légasse. Comment ne pas les comprendre dans leur hésitation à revoir des pratiques pour lesquelles ils ont été encouragés ?

 Consommateur : à toi d’agir !

Vraiment révoltante cette malbouffe qui dégrade notre santé,  favorise un développement économique à deux vitesses des plus injustes, et qui génère un antagonisme pernicieux entre des producteurs en mal de reconnaissance et des consommateurs devenus désormais plus exigeants sur la qualité de ce qu’ils mangent. L’acte d’achat alimentaire du consommateur peut être décisif sur le succès d’un produit. Il dispose donc d’un vrai pouvoir qui peut inverser la tendance, rien de moins ! Au consommateur d’être vigilant sur le choix de ses produits, leur provenance, leur procédé de fabrication, leurs ingrédients, de privilégier le produit le plus local possible, le circuit court, celui qui aura été fait dans le cadre d’un développement le plus naturel possible et dans le respect de l’environnement. Des renseignements qu’il est simple d’obtenir car tout est inscrit partout sur les emballages. Au consommateur averti de manger équilibré et de changer aussi ses habitudes  : plutôt que de prendre toujours le chemin de la grande surface, ne pas oublier le commerçant du quartier ou du bourg,  réputé pour la qualité de ses produits ou, s’il n’existe pas, de faire le curieux dans le nouveau rayon bio d’une grande enseigne ou chez Biocoop ou l’AMAP locale. La tendance est déjà prise par de plus en plus de consommateurs responsables qui refusent la fatalité, Il suffit de l’amplifier dit Périco Légasse, et, de fait, le pouvoir du consommateur s’imposera naturellement. La grande distribution, les producteurs suivront la demande comme ils ont toujours su le faire. En prenant notre destin en mains, en faisant avec sérieux nos achats alimentaires, il y a là un moyen, d’aller vers un bien-être nutritionnel, de sauver le commerce de proximité, d’assurer la vitalité de nos territoires, de tendre vers un équilibre écologique dans toute la chaîne de production et de promouvoir une agriculture liée à la demande intérieure d’abord Manger, c’est choisir, c’est voter ! Sauvons-nous nous-mêmes, n’attendons rien des institutions ni des autres, prenons nos destins en mains avec du bon sens.

Post Author: Didier Dolé