La biodiversité

Partout sur la planète, le déclin de la biodiversité se poursuit sans que cela nous émeuve ; certains s’en réjouissent même !  Il serait temps de prendre en compte cette évolution dramatique qui réduit considérablement la capacité de la nature à contribuer au bien-être des hommes. Ne pas agir pour stopper et inverser ce processus, « c’est mettre en péril non seulement l’avenir que nous voulons pour nos enfants, mais aussi les vies que nous menons actuellement ». C’est le message d’alerte délivré par la Plate-Forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services), réunie du 17 au 24 mars 2018 à Medellin (Colombie), pour sa 6ème session plénière. Créée en 2012 sous la tutelle des Nations Unies et rassemblant aujourd’hui 129 Etats, cette structure est qualifiée de
« GIEC de la biodiversité », en référence au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Sa mission est d’établir régulièrement la synthèse des connaissances disponibles sur la biodiversité (la variété des formes de vie sur la Terre), sur les impacts de son érosion et sur les pistes d’action possibles pour la préserver. Réduire la biodiversité aux seuls nombres d’espèces qu’abrite notre planète serait très restrictif, car ces chiffres ne permettent pas d’appréhender au mieux les fonctionnements écosystémiques et les interrelations satisfaisant les besoins de tous les êtres vivants. Mais au fait, la biodiversité c’est quoi ? 

1- La diversité biologique

Etymologiquement, la biodiversité c’est la diversité de la vie.  En 1980, Thomas Lovejoy a résumé cela par l’expression « biological diversity » (c’est à dire « diversité biologique »).  En 1985, Walter G. Rosen a contracté cette expression en « biodiversity » lors de la préparation du « National Forum on Biological Diversity ». Depuis le sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, la préservation de la biodiversité est considérée comme un des enjeux essentiels d’un développement soutenable, pérenne et solidaire. L’adoption de la Convention sur la diversité biologique au cours de ce sommet de Rio engage les pays signataires à protéger et à restaurer la diversité du vivant. La biodiversité est essentielle aux sociétés humaines qui en sont entièrement dépendantes aux travers des services écosystémiques.

La biodiversité est partout, aussi bien sur terre que dans l’eau. Elle comprend tous les organismes, depuis les bactéries microscopiques jusqu’aux animaux et aux plantes plus complexes. La biodiversité dite négligée (invertébrés marins et terrestres, plantes, champignons) représente pourtant 95% de la biodiversité ! Les scientifiques considèrent que le nombre d’espèces vivantes sur Terre pourrait atteindre 100 millions ! Or, à ce jour, nous n’en avons répertoriés que 1,8 million… Actuellement, environ 16 000 nouvelles espèces sont décrites chaque année. Le nombre d’espèces n’est qu’un pan de la biodiversité. En effet, La biodiversité, c’est le tissu vivant de notre planète. Cela recouvre l’ensemble des milieux naturels et des formes de vie (plantes, animaux, champignons, bactéries, etc.) ainsi que toutes les relations et interactions qui existent entre les organismes vivants eux-mêmes et aussi entre ces organismes et leurs milieux de vie. L’homme appartient à une espèce, Homo sapiens, qui constitue l’un des fils de ce tissu. La biodiversité s’exprime par trois dimensions importantes :

La diversité des milieux de vie à toutes les échelles : des océans, des prairies, des forêts… jusqu’au contenu des plus petites cellules (tel que des parasites qui peuvent y vivre) en passant par la mare au fond du jardin ou les espaces végétalisés en ville. Chacun de ces milieux de vie constitue un écosystème.

La diversité des espèces (y compris l’espèce humaine) qui vivent dans ces milieux, qui sont en relation les unes avec les autres (prédation, coopération, décomposition…) et avec leurs milieux de vie.

La diversité génétique des individus au sein de chaque espèce : autrement dit, nous ne sommes pas des clones, nous sommes tous différents les uns des autres ! 

2–Approches écosystémiques

a) Fonctions écosystémiques

Les fonctions écosystémiques désignent la somme complexe des processus et interactions qui permettent de caractériser le fonctionnement d’un écosystème. Le terme fonction écosystémique peut être utilisé pour désigner le rôle d’un organisme ou d’un groupe d’organismes dans le fonctionnement d’un écosystème. Prenons par exemple, le rôle important des décomposeurs dans le recyclage de la matière dans les écosystèmes. Sans l’action de ces organismes (insectes décomposeurs, champignons, bactéries, algues, levures…) le cycle de la matière ne pourrait pas avoir lieu ; la plus petite feuille ne se décomposerait pas et le sol serait une matière inerte où la moindre vie serait impossible. Toute vie dépend donc de ces interrelations entre les êtres vivants (faune et flore) et les facteurs abiotiques (le sol, le soleil, le vent, les précipitations…). Cette approche est la plus importante et est la condition sine qua none à l’équilibre des écosystèmes de notre planète. 

b) Services écosystémiques   

L’approche au travers des services écosystémiques est plutôt une approche anthropocentriste. Il faut distinguer les « services » des « fonctions écologiques », vues ci-dessus, qui les produisent.  La stratégie nationale pour la biodiversité définit les services écosystémiques comme « l’utilisation par l’homme des fonctions écologiques de certains écosystèmes ». Par souci de simplicité, on dit que les écosystèmes « rendent » ou « produisent » des services. Toutefois, une fonction écologique ne prend la forme d’un service à l’homme que dans la mesure où les pratiques sociales reconnaissent le service comme tel, c’est-à-dire reconnaissent l’utilité de la fonction écologique pour le bien-être humain. Ce sont les bénéfices que les humains retirent des écosystèmes. Un exemple parlant est la fonction de pollinisation par les insectes de nos plantes cultivées. En effet, cette fonction est bien considérée comme un service écosystémique rendu par les insectes et permet à l’homme d’assurer 70% de sa production agricole. Malheureusement, la société de consommation d’aujourd’hui a pour habitude de ne raisonner que sur le court terme. De ce fait, lorsque nous constatons l’apparition, dans les cultures, les jardins ou les vergers, de nombreux nuisibles, nous ne prenons pas en compte le fait que dans un passé proche ou lointain les prédateurs de ces nuisibles se sont trouvés en état de faiblesse ou bien ont disparu. La fausse solution est d’employer des pesticides pour se débarrasser des nuisibles présents, car ces produits tuent également des prédateurs dont la disparition entrainera l’apparition d’autres nuisibles. Par exemple, se débarrasser des pucerons à coup d’insecticide entraînera la disparition de leur prédateur : la coccinelle. Arracher une haie entraîne la disparition des oiseaux nicheurs comme le merle ou la mésange qui se nourrissent d’insectes nuisibles aux activités humaines. La vraie solution pour se débarrasser de ces nuisibles n’est pas de les tuer, mais d’assurer sur le long terme le retour des prédateurs qui assureront l’équilibre. 

3– Vers une 6ème extinction ?  

La biodiversité est aujourd’hui menacée. Les experts de l’IPBES indiquent que la moitié des espèces vivantes pourrait ne plus exister d’ici un siècle, compte tenu du rythme actuel de leur disparition, 100 à 1000 fois supérieur au taux naturel d’extinction. Certains d’entre eux disent même que le processus en cours nous mène vers une sixième extinction de masse des espèces, la dernière en date étant celle des dinosaures, il y a 65 millions d’années. Mais la crise actuelle est beaucoup plus rapide et elle est exclusivement liée aux activités humaines actuelles. En 2018, 28% des 93 577 espèces étudiées sont menacées, dont 41% des amphibiens, 25% des mammifères, 13% des oiseaux, 31% des requins et raies, 34% des conifères… La dernière étude du CNRS de Chizé parue en début 2018 dresse un tableau très alarmant sur la situation chez nous de nos oiseaux les plus courants.

L’effondrement de la biodiversité est multifactoriel ; mais l’homme et ses activités sont les seuls responsables. Les cinq causes majeures d’atteinte à la biodiversité sont identifiées :

• la destruction et la fragmentation des milieux naturels liées, notamment, à l’urbanisation, à l’agriculture intensive, la déforestation, le développement des infrastructures de transport,

• la surexploitation d’espèces sauvages : surpêche,  braconnage…,

• les pollutions de l’eau, des sols et de l’air,

• l’introduction d’espèces exotiques envahissantes,

• le dérèglement climatique qui peut s’ajouter aux autres causes et les aggraver. Il contribue à modifier les conditions de vie des espèces, les forçant à migrer ou à adapter leur mode de vie, ce que toutes ne sont pas capables de faire.

Malheureusement ces facteurs se conjuguent fréquemment, causant des dommages irréversibles, par exemple, les récifs coralliens ont fortement régressé dans certaines régions à cause de la pêche intensive, du dérèglement climatique et des pollutions marines. L’IPBS estime que sur l’ensemble de la planète, 60% des milieux naturels ont été dégradés au cours des 50 dernières années et près de 70% sont exploités au-delà de leur capacité de régénération. Ce que nous avons jusqu’à présent considéré comme étant « le progrès », c’est-à-dire les nouvelles technologies, avec la mécanisation à outrance, l’introduction des pesticides, l’énergie nucléaire… nous conduisent, et souvent inconsciemment, à bouleverser de fond en comble les processus naturels.

Nous sommes, par notre insouciance et notre passivité, tous coupables de complicité avec tout ce que la Terre compte :
épandeurs de pesticides, massacreurs d’arbres, saccageurs des sols et pollueurs de l’atmosphère. La maison achève de brûler et nous nous réchauffons devant ses braises ! Il est temps de changer notre vision du monde et admettre que notre planète ne fait pas que tourner ; elle vit aussi. Préserver la biodiversité, combattre le dérèglement climatique, c’est d’abord préserver la santé des humains, ce qui implique de se sentir étroitement solidaire du panda, de l’ours, de l’abeille et du ver de terre… de la plus obscure bestiole avec laquelle nous partageons l’unique planète bleue ! 

Post Author: Didier Dolé