Que penser pour demain ?

En fin d’année, la tradition conduit à nous adresser à tous ceux qui nous sont chers en formulant des vœux pour que la nouvelle année qui arrive leur apporte prospérité, joie, bonheur et santé… En tant que président de Sèvre Environnement c’est l’instant où mes pensées vont vers vous tous, chers lecteurs  de notre Bulletin  trimestriel. Je ne peux pas tourner la page de 2020 en oubliant la Covid 19 et toutes ses conséquences sur nos conditions de vie familiales et professionnelles. Et ce n’est pas au 1er janvier 2021 que nous allons retrouver la situation avant-virus. Que seront 2021 et les années qui suivront ? Que pourrons-nous faire et que devrions nous faire? Dans la Tribune du 12 mai dernier, Gilles BŒUF1 se posait déjà ces questions de façon lancinante :
« L’attaque mondiale de ce petit Coronavirus de chauve-souris, avec ses 15 gènes, démarrée dans la région de Wuhan en Chine, quelque part en fin d’année 2019, pourrait-elle constituer l’électrochoc collectif dont l’humanité a tant besoin pour enfin infléchir sa courbe de développement »?

Où sommes-nous aujourd’hui ?

Nous sommes tous frappés de l’incertitude dans laquelle nous a plongés la pandémie Covid19. Dans l’immédiat il faut donc garder en tête les raisons de la gravité de cette pandémie et prendre des précautions pour conjurer le danger sanitaire.

Au printemps, il a fallu passer par le confinement pour arrêter une première vague mortifère. Pendant l’été, trop nombreux ont  été ceux qui ont abandonné les précautions, ulcérés  par les atteintes à leur liberté individuelle compromise par le port du masque, alors que nous étions prévenus d’un risque d’une seconde vague à l’automne. Et nous sommes retombés dans le confinement.

« Quel crédit accordons-nous donc à la vie? Comment pouvons-nous la reléguer au cadet de nos soucis de façon aussi sinistre, en la mettant en balance avec nos petits plaisirs individuels, ou la peser à l’aune d’enjeux économiques et politiques, alors qu’elle est la chose la plus merveilleuse que nous ayons reçue, et que nous ne pourrons jamais recevoir »? 2

Et l’impact sur l’économie? 

La pandémie Covid 19 ne se limite pas aux problèmes sanitaires. Notre économie se trouve totalement bouleversée. Cette situation catastrophique n’est pas spécifique à la France, elle touche l’ensemble des continents de notre chère planète Terre. Les frontières politiques ne nous protègent donc pas, soudain tous les hommes et femmes présents sur Terre sont face aux mêmes problèmes. Que peut-il donc y avoir de commun entre tous les humains sur tous les continents ?
Pour Gilles BŒUF « Nous ne sommes pas en guerre contre un virus, mais contre nos propres manquements, nos propres agissements, notre propre irresponsabilité à l’égard de la planète ; nous sommes, en définitive, notre propre ennemi. En cause, notre servilité coupable à des dogmes (croissance, consommation, propriété, hâte et bien sûr profit) aux noms desquels l’humanité aveuglée par son arrogance anthropocentrique, se croit autorisée et même stimulée à surexploiter le capital nature jusqu’à son anéantissement».  Cette analyse peut paraître sévère car elle s’en prend aux symboles du progrès matériel que nous avons développés depuis un siècle. Mais édicter des règles ne suffit pas, car tous les acteurs (consommateurs, producteurs, élus) ont un rôle essentiel à jouer en passant progressivement à l’action. 
« Il faut s’affranchir du mythe de la croissance et revenir aux sources du bonheur, pour comprendre que le bien-être d’une société ne se mesure pas uniquement à l’aune monétaire, et pour reconnaître au demeurant que les autorités ne sont pas les seuls acteurs » écrit Jean HAËNTJENS 3

Des chefs d’entreprise, de plus en plus nombreux, sont déjà engagés dans cette transition écologique positive. Mais pour Louis-Charles VIOSSAT 4 :
Les progrès réalisés au cours des cinq à dix dernières années vont être effacés et l’atteinte de nombreux objectifs de développement durable fixés pour 2030 est désormais hors de portée »
.  

Des enjeux planétaires

Tous les pays  des cinq continents étant victimes des conséquences sanitaires et économiques de cette pandémie Covid 19, prenons de la hauteur, avec l’aide des multiples satellites qui observent aujourd’hui notre planète en permanence et nous fournissent une multitude d’informations concrètes. Ces données précieuses permettent aux scientifiques spécialisés de saisir l’état de notre planète au jour le jour et de comprendre les mécanismes de son évolution. A nous de les écouter, car la science n’est pas une opinion.

Les principaux constats

Les scientifiques du monde entier, qui étudient l’évolution des climats  sur l’ensemble de notre planète, nous mettent en garde sur une augmentation régulière des températures. Leurs prévisions des années 1970 coïncident avec la réalité des 50 dernières années. Ce réchauffement est dû à l’effet de serre provoqué par les rejets dans l’atmosphère d’importantes quantités de gaz,  dont le dioxyde de carbone CO2. Ce gaz est le déchet de la combustion du charbon, des produits pétroliers… Au Groënland, la fonte de la calotte glaciaire s’est accélérée très fortement au cours des 20 dernières années et les chutes de neige ne compensent plus les pertes de glace. Le dégel touche aussi les immensités couvertes de permafrost entraînant d’importants rejets de méthane,
gaz 34 fois plus puissant que le CO2  pour l’effet de serre. Sur nos montagnes, les glaciers disparaissent progressivement. 

La première conséquence de cette fonte des glaces est une montée progressive du niveau des océans. La seconde conséquence, tout aussi dramatique, est le déplacement d’importantes masses d’eau froide, des pôles vers l’équateur, entraînant un chamboulement des courants marins donc du régime des pluies avec un bouleversement des régimes climatiques. Au cours des dernières années nous avons constaté ces résultats sur notre territoire métropolitain avec une baisse considérable du nombre de jours de gel, des températures estivales très élevées et des pluies diluviennes sur le sud-est. Des populations humaines sont frappées par des drames migratoires et alimentaires, engendrés par  le dérèglement climatique ; il ne s’agit plus d’une hypothèse mais d’une réalité que nous devons regarder en face.

Gilles BŒUF nous rappelle qu’aujourd’hui, chacun de nous connaît la situation des milieux de vie de l’ensemble de la biodiversité dans le monde :

« destruction des écosystèmes, artificialisation des sols, morcellement des fragments de nature sauvage, pollutions innombrables (des sols, des rivières, des fleuves, de l’air, des océans  et pas uniquement avec les déchets de plastiques, mais aussi avec les métaux lourds, les perturbateurs endocriniens, les pesticides et les biocides divers), disséminations anarchiques d’espèces  vivantes allochtones, espèces invasives, surexploitations des ressources tant minérales que vivantes »…

Il est maintenant impératif de cesser de maltraiter le vivant et la biodiversité, et d’être plus regardant sur les conditions de transports et de disséminations des êtres vivants, quels qu’ils soient. 

Les risques sanitaires

En octobre dernier, l’ONU a publié en urgence un rapport élaboré par 22 scientifiques internationaux spécialisés en biodiversité qui ont passé en revue des centaines d’études récentes sur les liens entre l’Homme et la nature, notamment sur les conséquences de la destruction de la nature par les activités humaines.

Selon des estimations publiées dans la revue Science en 2018 et reprises dans le rapport ONU, il existerait 1,7 million de virus inconnus chez les mammifères et les oiseaux, dont 540.000 et 850.000 d’entre eux «auraient la capacité d’infecter les humains».

Mais les risques de contamination des êtres humains par ces virus, dont on ne sait rien, sont multipliés par les contacts de plus en plus serrés entre les animaux sauvages, les animaux d’élevage et la population humaine. D’ailleurs, 70% des nouvelles maladies (Ebola, Zika) et «presque toutes les pandémies connues» (grippe, sida, Covid-19) sont des zoonoses, c’est-à-dire qu’elles viennent de pathogènes animaux.

Mais «blâmer les animaux sauvages pour l’émergence de ces maladies est erroné», insistent les experts, pointant du doigt l’Homme et les traces qu’il laisse sur son environnement.

« Il n’y a pas de mystère sur les causes de la pandémie de Covid-19, ou d’aucune autre pandémie moderne »,
commente ainsi dans un communiqué Peter DASZAK 5, qui a dirigé l’élaboration de ce rapport. « Les mêmes activités moteurs du changement climatique et de la destruction de la biodiversité stimulent les risques de pandémie en raison de leurs impacts sur notre environnement », poursuit-il. Pour tous ces motifs, il faut suivre Dominique MEDA 6 lorsqu’elle spécifie que « la reconversion écologique de nos sociétés apparaît non seulement comme le seul moyen d’éviter une dégradation inimaginable de nos conditions de vie, mais aussi comme une manière radicale de repenser le travail et l’emploi ».  

Le passage à l’action

Certes, nous avons souffert pendant les périodes de confinement en raison de leurs conséquences sur nos conditions de vie familiales et professionnelles. Néanmoins, des résultats très positifs sont apparus : le jour du dépassement (jour de l’année où l’humanité a consommé les ressources que la Terre produit en une année) a été le 29 juillet en 2019 et le 22 août en 2020.

Après la première période de confinement, les Français admettaient, pour la grande majorité, avoir changé leurs habitudes de consommation en favorisant les produits locaux. C’est ce que révèle une étude YouGov : 62% des répondants de l’étude déclarent que la crise du Covid-19 les a fait réfléchir sur leur manière de consommer. La moitié des sondés n’ont pas repris leurs anciennes habitudes depuis la fin du confinement, et toujours 1 Français sur 2 pense que la crise va durablement changer la manière de consommer. 83% des sondés comptent ainsi favoriser les produits locaux, 69% veulent soutenir les petits commerces de proximité. 59% des sondés sont prêts à payer plus cher pour un produit made in France. Cette crise sanitaire bouleverse les habitudes de tout le monde et 64% des personnes interrogées pensent qu’elle marquera un tournant dans le mode de consommation général.

Et surtout, retenons les recommandations de Gilles BŒUF : 

« Nous ne sommes pas en guerre contre un virus, mais contre nos activités et nos comportements :
trop de consumérisme et pas assez de sobriété ! En définitive, notre ennemi n’est pas le virus, mais nous-mêmes ! Surtout, ne revenons pas au système d’économie débridée qui vise à construire  un profit sur la destruction ou la surexploitation de notre capital : la nature.»

1 Gilles BOEUF : Biologiste Pr Université Pierre-et-Marie CURIE, a été Président du Muséum National d’Histoire Naturelle.

2 Christiane RANCÉ Grand reporter, philosophe , Prix de l’essai en 2015 décerné par l’Académie française..

3 Jean HAËNTJENS Chef d’entreprise, économiste urbaniste. « Comment l’écologie réinvente la politique » Editions rue de l’échiquier. 

4Louis-Charles VIOSSAT Conseiller scientifique de Futuribles, Editorial Revue Futuribles n°439.

5 Peter DASZAK Chercheur britannique spécialisé en zoonoses. 

6 Dominique MEDA Philosophe et sociologue française  « Une Autre voie est possible », Flammarion.

Post Author: Didier Dolé