Bisphénol A et santé

Le Bisphénol A (BPA) est une substance chimique de synthèse, très largement utilisée, entrant dans la fabrication de nombreux produits de consommation courante. La production mondiale de BPA est aujourd’hui d’environ 4 millions de tonnes par an. Les 2/3 de la production mondiale est destinée à la fabrication de polycarbonates de la famille des thermoplastiques. Les applications sont multiples. En premier lieu, il faut citer l’ensemble des matières plastiques souples : biberons, films d’emballage, tuyaux souples, jouets, revêtement interne d’emballages métalliques pour boissons et aliments. Il entre aussi dans la composition du papier utilisé pour les tickets de caisse imprimés sans encre, dans les lentilles de contact, les lunettes, les casques de sécurité, les bonbonnes en plastique, les bateaux de plaisance, articles de sport, mobilier, automobile, emballages médicaux…
Les avantages
La majorité des produits fabriqués à partir du BPA sont de consommation courante, bien connus et appréciés par les consommateurs pour leur facilité d’emploi, leur légèreté et leur bas prix. Ils sont le résultat des progrès industriels des dernières décades du siècle passé et, pendant de nombreuses années, personne ne s’est inquiété de la possibilité d’inconvénients sur le plan sanitaire.
La recherche médicale
Plusieurs médicaments à base de xénoestrogènes de synthèse, réservés aux femmes enceintes, mis sur le marché pendant la seconde moitié du siècle dernier, ont entraîné des séquelles graves constatées sur des nouveau-nés et furent retirés du marché dans les années 70.
Au cours des vingt dernières années, des études sur les perturbateurs endocriniens, conduites par des cancérologues, pédiatres, endocrinologues, ont montré que l’exposition in utero aux xénoestrogènes de synthèse augmente la propension à développer, entre autres, des malformations congénitales et certains cancers à l’âge adulte.
Le BPA est un xénoestrogène, donc un perturbateur endocrinien. On sait également que le BPA peut traverser la barrière placentaire et peut aussi se retrouver dans le lait maternel, et pourtant, ses effets nocifs ont été systématiquement minorés pour des raisons économiques. Depuis 2004, nous avons suivi l’évolution des études en informant régulièrement nos lecteurs. Notre dernier article sur le sujet est de juin dernier.
Les biberons
Lorsque les plastiques souples sont chauffés ils relâchent du BPA. Les études ayant montré la dangerosité du BPA pour les nourrissons, les biberons en plastique posent un réel problème de santé publique
Enfin, la loi 2010-779 du 30 juin 2010, publiée au JORF du 1er juillet 2010, prescrit dans son article 1er :
«La fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons à base de bisphénol A sont suspendues jusqu’à l’adoption, par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d’un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations».
L’interdiction des biberons en plastique a été facilitée du fait de l’existence bien connue des biberons en verre.
Recommandations ANSES
Le 27 septembre dernier, l’ANSES a présenté deux rapports relatifs au BPA.
Le premier met en évidence « des effets sanitaires avérés chez l’animal et suspectés chez l’homme (fertilité féminine, problèmes cardiovasculaires et diabète) même à de faibles niveaux d’exposition ».
Désormais, les experts de l’ANSES estiment disposer de suffisamment d’éléments scientifiques pour identifier comme objectif prioritaire la prévention des expositions des populations les plus sensibles (nourrissons, jeunes enfants et femmes enceintes ou allaitantes). Cet objectif passe par la substitution du BPA dans les matériaux au contact des denrées alimentaires.
Dans son second rapport, l’ANSES a identifié une soixantaine de secteurs d’activité qui utilisent du BPA dans des milliers
d’objets de la vie quotidienne.et demande que tous les produits contenant du BPA soient étiquetés. L’ANSES demande aux industriels de trouver des produits de substitution au BPA pour fabriquer en priorité les objets qui sont en contact avec les denrées alimentaires.
Évolution de la législation
En juillet, le député Gérard BAPT (PS), président du groupe Santé Environnementale à l’Assemblée Nationale, a réclamé l’extension de l’interdiction du BPA, qui touche donc en France les biberons, à tout conditionnement alimentaire (canettes, conserves, bouteilles, emballages…). Le texte de ce projet de loi a été voté en séance publique par les députés le 12 octobre : 346 voix pour et 2 contre. Il est maintenant au Sénat.
La stratégie du gouvernement sur le BPA a été examinée en Conseil des Ministres le 19 octobre. Le ministre de la santé veut aller plus loin que la proposition présentée à l’Assemblée sur l’interdiction du BPA dans tous les contenants alimentaires, en l’appliquant dès 2013 pour les enfants de moins de 3 ans. La ministre de l’écologie est favorable à un étiquetage rapide des produits contenant du BPA qui sont en contact avec les dentées alimentaires.
Il est certain que la mise en place d’une législation efficace accompagnée de décrets d’application prendra du temps. La Suède a aussi une démarche similaire et le Conseil Environnement de l’Europe est fortement mobilisé sur le sujet.
En conclusion, je tiens à remercier les scientifiques qui sont à l’origine de cette évolution positive (voir Bulletin n°48) , et en particulier le Pr Charles SULTAN que nous avons entendu à Cholet le 17 septembre 2009.

Post Author: Didier Dolé