«Le réchauffement, c’est nous et c’est maintenant »
Bruno PARMENTIER
On ne peut pas se désintéresser du réchauffement climatique quand on est Français à la fin de l’année 2015, puisque notre pays a la lourde charge de tenter d’obtenir un accord mondial absolument fondamental pour la survie de l’humanité. Mais ce n’est pas juste le rôle de nos dirigeants politiques ; chacun de nous peut agir au quotidien.
Par exemple à table, ou en aidant à mettre en place un nouveau type d’agriculture.Chacun sait que nous pouvons construire notre tombe avec nos dents, en mangeant trop ou mal, mais la manière dont nous remplissons notre assiette
construit aussi largement l’avenir de la planète. Nous pouvons déjà très largement réduire notre consommation de produits animaux (viandes laitages, oeufs). Un Français consomme actuellement 85 kg de viande et 90 kg de lait par an, deux fois plus que ne consommaient ses grands-parents dans les années 50, et dans sa vie, à lui tout seul, 7 boeufs, 33 cochons, 1 300 poulets, 20 000 oeufs et 32 000 l de lait ! Dans un premier temps, cette amélioration de notre diète améliorait notre santé, mais dorénavant, nos excès en tous genres provoquent de nombreux dégâts : obésité, allergies, diabètes, cancers, artérioscléroses, etc. Mais, comme il s’agit aussi de produits provenant d’animaux à sang chaud, cette boulimie provoque une ponction considérable et tout à fait déraisonnable sur les ressources végétales de la planète, car leur taux de transformation de végétaux en animaux est très mauvais. Il faut impérativement revenir à une consommation plus raisonnée, manger moins de viande, mais seulement de la bonne, payée plus cher pour que les éleveurs puissent en vivre, et issue d’animaux élevés localement avec des végétaux qui ont poussé dans notre pays (et non pas à base de maïs et de soja provenant d’Amérique latine !). Une autre idée fondamentale est celle de moins gâcher. On estime que plus du tiers de la nourriture produite sur Terre est jetée ! On peut estimer qu’en France, alors que nous introduisons de l’ordre de 400 kg de nourriture dans notre bouche chaque année, nous gâchons au total au moins 250 kg ! Le tiers à la production : songeons par exemple que tous les fruits et légumes «moches», de type carottes tordues, melons trop gros, pommes tachées, cerises attaquées par une pie, etc. ne quittent jamais le champ ! Sans parler de la gabegie intégrale de la pêche, où bien souvent la moitié de ce que remontent les filets repart immédiatement, mort, à, la mer : poissons trop gros, trop petits, hors quotas, n’ayant pas de demande sur le marché, etc. Le deuxième tiers est gâché dans le système intermédiaire de transport, industrialisation et distribution.
Réjouissons-nous du premier pas accompli cette année au printemps avec la loi interdisant aux supermarchés de jeter ses invendus sans les avoir proposés à des organisations humanitaires, mais cette loi reste à mettre en oeuvre et, au delà, beaucoup reste à faire. Le troisième tiers est au plus près de nous : gâchis à la restauration (en particulier restauration collective, écoles, hôpitaux, cantines de toutes sortes) et à domicile, par des consommateurs qui achètent en trop grande quantité, ne savent pas accommoder les restes, et sont victimes des dates inscrites sur les emballages, alors même que leur mode de vie rend difficile une planification efficace…
La troisième idée est de manger prioritairement, voire exclusivement, des produits locaux et de saison. On émettra ainsi de l’ordre de 0,15 kilo de
gaz carbonique par kilo de fruits ou légumes mangés, contre 3 kg pour des fruits ou légumes frais hors saison importés, vingt fois plus ! Mais les citoyens peuvent également soutenir l’émergence d’une autre agriculture. Ce secteur économique est intimement lié au réchauffement de la planète, et même triplement. Tout d’abord c’est un des principaux producteurs de gaz à effet de serre : environ 20 % des émissions mondiales. Pas tellement àcause du gaz carbonique, mais surtout du méthane (CH4) émis par la décomposition des végétaux en milieu humide, en particulier chez les ruminants, et du protoxyde d’azote (N20) issu des déjections animales et de la fertilisation azotée. Il va donc impérativement devoir diminuer cette production mortifère. Mais paradoxalement, c’est aussi lui qui pâti le plus des dérèglements provoqués par cette catastrophe écologique : sécheresses, inondations, assèchement des nappes phréatiques, tempêtes, grêles, cyclones, attaques d’insectes et de maladies, baisses de rendement, etc… Il lui faudra donc s’adapter par une multitude de mesures complémentaires : recours à des plantes ou des variétés moins gourmandes en eau, couverture permanente du sol, agro foresterie, mélanges de plantes qui s’aident mutuellement à pousser, et toutes méthodes écologiques permettant de conserver l’eau, etc. Et enfin, c’est probablement le seul secteur qui peut développer des solutions positives en fixant dans le sol toujours plus de gaz carbonique via les plantes, les prairies et les arbres. Encourageons-le !
Bruno PARMENTIER