La tique

Un insecte hématophage : la tique

par Roland BLANDIN

Les tiques sont des acariens hématophages parasitant la quasi-totalité des vertébrés à travers le monde et pouvant mordre l’homme. En effet, on dénombre jusqu’à présent, 869 espèces ou sous espèces, dont 37 en France. Des tiques peuvent vivre ou survivre presque partout sur les terres émergées sauf en zone trop aride et chaude ou trop froide. Une étude récente parue dans le Journal of Medical Entomology 2016 montre que dans de vastes parties du monde l’aire de présence et les densités de certaines espèces semblent rapidement s’étendre depuis deux ou trois décennies en raison du dérèglement climatique et aussi pour d’autres raisons comme par exemple le changement de comportement des tiques.

 

Il y a 2 principales familles  :

• Les Ixodidae ou  » tiques dures  » (694 espèces), ainsi nommées du fait de la présence d’une plaque dorsale dure ; elles constituent la famille la plus importante en nombre et en pathologie humaine et vétérinaire. C’est la famille la plus présente sur notre territoire local.

Tique dure en embuscade

 

• Les Argasidae ou  » tiques molles  » (177 espèces), présentent un tégument mou. Plutôt rares sur notre territoire elles sont surtout présentes sur le pourtour méditerranéen.

Tique molle fréquente sur le chien

 

La vie de la tique
Chaque espèce a des conditions environnementales optimales et vit dans des biotopes particuliers. Ainsi, chaque espèce présente une distribution géographique particulière, et les maladies transmises sont donc des maladies géographiques, particulièrement lorsque les tiques sont vecteurs et réservoirs de pathogènes.
Les tiques dures passent plus de 90% de leur vie sans parasiter d’animaux. Elles sont le plus souvent exophiles (espèce d’insecte hématophage qui quitte son hôte après s’être gorgé de sang), vivant dans des biotopes ouverts tels que forêts, prairies, haies… elles exercent une activité saisonnière, et la recherche d’un hôte s’effectue lorsque les conditions environnementales sont optimales (températures douces du printemps à l’automne et  hygrométries tempérées)

A la recherche de l’hôte
Les tiques sont très sensibles à des stimuli indiquant la présence d’hôtes potentiels (dégageant du gaz carbonique, de l’ammoniac, des odeurs corporelles), mais aussi aux vibrations et à la température des animaux à sang chaud. Par exemple, les tiques sont attirées par les vibrations des pieds sur le sol lors de la marche. Les phéromones jouent également un rôle essentiel dans le comportement des tiques et facilitent la recherche de l’hôte ou du partenaire reproductif. Il existe des phéromones « de rassemblement » et des phéromones sexuels qui attirent les mâles vers les femelles et stimulent la reproduction.
Les tiques dures ont 2 stratégies de recherche d’hôtes. La première est l’attente passive en embuscade : les tiques grimpent sur la végétation et attendent le passage d’un hôte, leurs pattes avant relevées, pour s’y accrocher. La deuxième stratégie est l’attaque : les tiques sortent de leur habitat et vont vers des hôtes qui sont à proximité et qui les attirent par les différents stimuli émis. Certaines espèces utilisent les 2 stratégies. La quasi-totalité des tiques molles sont endophiles (une espèce d’insecte hématophage qui ne quittera pas son hôte après l’avoir piqué) et présentent une troisième stratégie de recherche d’hôte : elles vivent dans des terriers ou des nids et attendent le retour de l’animal pour le piquer. Certaines tiques ont une préférence pour certains hôtes, se nourrissant sur un nombre restreint (voire unique) d’espèces animales. D’autres ont des hôtes différents à chaque stade de développement, et une préférence  qui peut varier d’un stade à l’autre au sein d’une même espèce. Par exemple, chaque stade de Rhipicephalus sanguineus a une préférence pour le chien, et ne pique que lui en France. D’un autre coté, les adultes d’Ixodes ricinus en Europe se nourrissent habituellement sur une grande variété d’hôtes, particulièrement les grands mammifères, mais aussi les rongeurs ou les oiseaux dans leurs nids. En général, le biotope préférentiel d’une tique influence le type d’hôte. En forêt, Ixodes ricinus en Europe et Ixodes scapularis aux USA rencontrent et piquent des vertébrés vivant en forêt. Les tiques présentent également une affinité variable pour l’homme. Alors que Rhipicephalus sanguineus pique uniquement l’homme s’il n’y a pas de chien, Ixodes ricinus en Europe, et Amblyomma hebraeum en Afrique piquent volontiers l’homme.

L’heure du repas
Avant de piquer, les tiques peuvent inspecter l’hôte choisi pendant plusieurs heures. Une fois installées, les tiques dures, injectent différentes substances produites par les glandes salivaires. Pendant les 24 à 36 premières heures, il y a peu ou pas d’ingestion de sang, la pénétration et l’attachement étant les activités dominantes. Les sécrétions salivaires comprennent notamment un cément qui ancre solidement les pièces buccales dans la peau, ainsi que des enzymes, des substances vasodilatatrices, anti-inflammatoires, anti-hémostatiques et immunosuppressives. Elles facilitent le repas sanguin et des substances anesthésiques rendent la piqûre indolore. Le repas des Ixodidae est long (2 à 15 jours sont nécessaires pour le terminer), selon l’espèce, le stade, l’hôte et le site d’attachement. Une période de repas lent (3-4 j)
est suivie par une période d’engorgement rapide (1-3 j) où les tiques, particulièrement les femelles voient leur poids se multiplier jusqu’à 120 fois. Pendant le repas, il y a une alternance de succions et de sécrétions salivaires et les régurgitations sont fréquentes, particulièrement à la fin de l’engorgement rapide. Ce qui entrainera la migration possible d’agents pathogènes vers l’hôte si la tique est porteuse.

 

La tactique de la tique

par Dr Christian BIZOT

Au printemps et en été, la tique, petite bestiole qui vit dans les hautes herbes et les sous-bois, s’attaque aux quadrupèdes de tous genres et aussi aux bipèdes que nous sommes, si nous n’y prenons pas garde. Avec ses crochets elle se fixe sur la peau et commence ainsi son entreprise de succion du sang, jusqu’à plus soif, un peu comme les vampires !
Cette toute petite bête est parfois porteuse d’une bactérie : Borrélia Burgdoferi qui peut nous faire bien du tort en déclenchant, entre autres, une maladie de Lyme. Cette maladie est toujours curable si elle est traitée précocement, mais si elle est négligée au départ, elle peut entraîner des complications redoutables comme le faisait autrefois la Syphilis.

La tactique pour s’en prémunir lorsqu’on se promène dans la nature, et plus particulièrement en forêt, est simple :
• protéger les parties découvertes du corps (chapeau, gants, chaussettes),
• vérifier son revêtement cutané après la douche,
• décrocher la tique en prenant la précaution d’enlever les deux crochets fixés dans la peau et par où la bestiole suce votre sang. N’utiliser aucun produit chimique (risque de régurgitation de la tique). Utiliser un tire-tique (disponible en pharmacie), sorte de petit pied-de-biche à passer sous la tique avant de dévisser. Vérifier l’intégrité du rostre. Désinfecter la plaie. Surveiller la zone de morsure pendant les semaines suivantes.
A ce stade de la piqûre initiale, le traitement peut-être complété par une antibiothérapie de 10 jours, voire plus, en particulier en cas d’apparition du fameux « érythème migrant » dans les semaines suivantes.  L’antibiothérapie (ampicillines ou cyclines)  garantit une guérison totale, et vous évitera des complications comme la maladie de Lyme, une fièvre Q et autres borrélioses.
On sait que ces maladies infectieuses sont largement sous-estimées en France, alors que les complications qu’elles engendrent, à long terme, sont du même ordre que les complications très redoutées de la syphilis secondaire et tertiaire qui sévissaient autrefois.  Combien de pseudo-malades mentaux ont peuplé nos hôpitaux psychiatriques autrefois, alors qu’une simple antibiothérapie efficace de 30 jours aurait pu l’éviter.

La maladie de Lyme
Cette maladie, dont la transmission se fait par une tique porteuse du germe Borrelia Burgdoferi, peut rester complètement asymptomatique et le danger est de ne pas prêter  attention, au départ, à la morsure initiale. En effet, la tique porteuse devra attendre au moins 48 heures avant de transmettre le germe qui doit passer de son tube digestif à ses glandes salivaires pour vous inoculer le germe.

Phase primaire
L’infection initiale localisée autour du point de morsure se manifeste dans les 2 à 30 jours suivants sous forme d’un érythème inflammatoire (érythème migrant), mais souvent très fugace et non diagnostiqué. Ce stade d’infection primaire peut s’accompagner d’un petit syndrome infectieux « pseudo-grippal »  avec des arthralgies1 et des myalgies2 fugaces. Tout cela pour signaler l’importance de la prévention à ce stade avec recherche systématique d’une morsure de tique dès son retour d’une promenade en forêt en particulier, ce que savent bien les chasseurs qui recherchent en plus les tiques sur leurs chiens.

Phase secondaire
Elle apparaît quelques jours à quelques mois, voire quelques années, après la morsure traduisant la dissémination de l’infection (infections localisées multiples s’accompagnant très souvent de manifestations neurologiques et rhumatologiques). Les problèmes neurologiques les plus graves tels méningoencéphalites, syndrome de Guillain-Barré peuvent faire retarder le diagnostic si la piqûre initiale est oubliée.

Phase tertiaire
C’est la généralisation de l’infection, plusieurs mois ou plusieurs années après la morsure, les symptômes pouvant toucher de très nombreux organes (nerfs, yeux, tendons, articulations, muscles, encéphales…). Le diagnostic doit être évoqué dans ces cas difficiles parfois appelés encéphalopathies de Lyme 3. C’est à ce stade que l’on voit des diagnostics aboutissant parfois à des hospitalisations indues en psychiatrie, là où une antibiothérapie efficace et prolongée serait justifiée! Rappelons qu’à ce stade, le traitement antibiotique bien conduit (4 à 6 mois pour les infections supérieures à un an) permettra de faire disparaître les symptômes.

Le diagnostic nécessite de faire chez toute personne ayant été mordue par une tique une sérologie à J zéro puis à J15-20 avec recherche des IGM3. Tous les laboratoires peuvent pratiquer cette recherche.

Le diagnostic nécessite de pratiquer
une sérologie à J0 puis J15-20

Post Author: Didier Dolé