Par Jean-Claude BRIANCEAU
L’assemblée des Nations Unies pour l’environnement qui s’est tenue au Kenya à Nairobi, les 4 et 5 décembre derniers, a porté pour la première fois sur le thème de la pollution. Nos médias ne s’y sont pas intéressés, et ils ont fait de même pour l’assemblée du GIEC en mars. « On ne veut pas voir ce qui se passe » s’est alarmé le philosophe Dominique BOURG, évoquant « un schisme de réalité ». Jusqu’ici, on a donné l’impression aux citoyens que le changement climatique est quelque chose de lointain qui va arriver à la planète, et qui va concerner les générations futures, mais pas la nôtre. Maria NEIRA, directrice du département santé publique et environnementale à l’OMS, que j’ai eu l’occasion de rencontrer à Paris, a déclaré à Nairobi « qu’il est temps de changer de stratégie et de faire de la lutte contre les impacts sanitaires des pollutions l’axe central de mobilisation contre le changement climatique. C’est l’union des forces de la santé et de l’environnement qui va permettre de mener cette bataille».
Selon l’OMS, 13 millions de personnes meurent chaque année à cause d’un environnement dégradé ; ainsi, 36% des décès par cancer du poumon, 34% par AVC, et 27% par infarctus, sont liés à la pollution de l’air. Ce sont des chiffres terribles que nous devons avoir en tête. Oui, je partage la conclusion de Maria NEIRA quand elle déclare : « Il faut arrêter avec cette excuse selon laquelle pour se développer économiquement on est obligé de détruire l’environnement, ça ne tient pas et on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas ». A nous de bien retenir cette analyse ! A Nairobi, Erick SOLHEIM directeur du PNUE a arrêté cinquante mesures pour aller vers une planète sans pollution en concluant : « Aucun d’entre nous n’est aujourd’hui à l’abri de la pollution, c’est pourquoi nous devons tous passer à l’action ».
En passant à l’action, n’oublions pas nos erreurs et nos échecs du passé. Après les années de pénurie liée à la guerre au cours de la première moitié du XXe siècle, les français ont retrouvé du confort avec l’arrivée des biens de consommation. Au début des années 60, ils avaient une foi aveugle dans le progrès, car les enfants vivaient mieux que leurs parents. Et pourtant, en mai 1968, la jeunesse ne retrouvait pas le bonheur dans ce progrès, alors elle a contesté l’évolution de la consommation en affichant à la Sorbonne : « Consommez moins, vous vivrez plus », « Voiture égale gadget », « la publicité te manipule »…Nous avions alors eu tendance à qualifier tout cela d’utopies, mais 50 ans plus tard, ces utopies sont devenues des réalités douloureuses sur les plans santé et économie, des réalités qu’il nous faut affronter.
Les deux constats que je viens de citer nous montrent bien que nous avons d’abord besoin de connaître et comprendre, pour ensuite prendre conscience des conséquences directes de nos modes de production, de distribution et de consommation. Nous ne préserverons pas notre santé sans solidarité pour respecter le cadre de vie que nous offre notre planète. Si la dignité d’un seul d’entre nous est fragilisée, nous sommes tous diminués. Le programme d’éducation à l’environnement que notre association a démarré, il y a 17 ans, porte ses fruits. Le cap des 50.000 personnes formées est franchi et nous allons continuer cette action en l’élargissant. Les enfants que nous avons formés hier viennent d’entrer dans le monde des adultes, et font preuve de discernement. Nos formations sont adaptées pour des publics allant de l’école maternelle à la maison de retraite, et nous espérons bien réussir à l’étendre prochainement à la petite enfance.
Les collectivités ont un rôle prépondérant à jouer en assurant l’entretien du domaine public de façon exemplaire, c’est-à-dire en préservant la flore et la faune de façon durable, et ce autant dans les agglomérations que dans nos campagnes, sans impacts sur l’air, l’eau et les sols. Pour une collectivité, être exemplaire c’est le meilleur outil de communication, et surtout d’éducation, pour inciter la population à suivre l’exemple dans son domaine privé. Mais nous le savons, la mise en place d’une politique environnementale exemplaire implique d’importantes modifications des modes de gestion dans toutes les politiques sectorielles d’une commune. Cette évolution demande du temps, car elle pose de multiples problèmes aux opérateurs.
A Sèvre Environnement, nous disposons des moyens et des compétences nécessaires pour accompagner et aider les collectivités qui décident de s’engager dans une vraie politique environnementale préservant l’économie et la santé de l’ensemble de leur population.
D’un autre côté, le monde de l’industrie s’engage aujourd’hui dans des démarches qui vont entraîner des modifications profondes dans les modes de fonctionnement actuels. Cette évolution s’affiche déjà au niveau mondial, y compris dans notre pays, au sein d’entreprises pionnières de secteurs d’activité très divers. Le but recherché est précisément d’être exemplaire dans le respect de l’environnement tout en participant à l’amélioration du bien-être de la société dans son ensemble. C’est un engagement validé par la conformité à des normes internationales dites de « Responsabilité Sociétale des Entreprises ». Il s’agit d’un réel « progrès » que nous accompagnons avec attention, espérant qu’il se généralisera sur notre territoire. Un autre domaine de première importance pour la santé, c’est celui de l’alimentation. Nos ancêtres en étaient tous déjà conscients, aujourd’hui nous l’avons oublié. Il y a 2500 ans, Hippocrate, le plus grand médecin de l’Antiquité, disait à ses compatriotes : « Les maladies ne sont que les conséquences de nos habitudes de vie, et nos aliments sont notre premier médicament ». Aujourd’hui nous disposons d’énormes armoires à pharmacie que nous alimentons gratuitement. Malgré cela, les cancers, les maladies neurodégénératives, le diabète, affichent des taux de croissance de plus en plus élevés, conséquences directes de la croissance des pollutions de l’air, de l’eau et des aliments générées par les activités humaines. Les soins ne suffisent plus pour stopper cette croissance désastreuse, il faut s’attaquer aux causes et en tout premier lieu à la malbouffe. Nous français, totalisons 75 milliards d’actes alimentaires sur les 365 jours de l’année. C’est trop important pour ne pas y regarder de plus près. Nous mangeons tous mais nous mangeons mal et tellement de « choses » toxiques que, comme le fait Pierre RABHI, ce n’est pas « bon appétit » que j’ai envie de dire aux gens qui se mettent à table, mais plutôt « bonne chance ».
Nous ne ferons pas baisser le nombre de malades sans revenir à une alimentation saine, et nous n’obtiendrons une alimentation saine qu’avec des hommes soucieux de préserver un environnement sain, car l’Homme et la Nature ne font qu’un. Toutes les actions que nous conduisons à Sèvre Environnement n’ont qu’un seul but : préserver l’avenir de l’Homme. Certes, ceci est difficile mais il n’y a pas de problèmes sans solutions. Je sais qu’il y a toujours des pessimistes pour nous décourager en jouant le rôle du tatou, comme dans la fable reprise par Pierre RABHI mettant en scène un colibri apportant son aide pour éteindre un feu de forêt, et disant au colibri : « Ce n’est pas avec tes gouttes d’eau que tu éteindras le feu ». Avec le colibri je leur réponds : « Je sais, mais nous faisons notre part ».