Tout un programme au cœur des raisons d’être de Sèvre Environnement ! Il est important de préserver la biodiversité sous toutes ses facettes, car les services écologiques rendus par la nature participent à l’équilibre socio-économique des territoires. La véritable Agroécologie doit prendre en compte ces services écosystémiques. Comment est ce possible? Nous avons posé la question à Mr Vincent BRETAGNOLLE, Directeur de Recherche du Centre d’Etude Biologique de Chizé au CNRS1 qui, depuis 1994, conduit des travaux dont l’enjeu est de concilier agriculture et environnement dans un cadre de gestion durable des ressources naturelles. Nous le remercions d’avoir bien voulu faire part des résultats de ses travaux et comment ils vont être mis en application sur l’ensemble de la Région Nouvelle Aquitaine.
En 1994, j’ai lancé une étude sur les oiseaux des plaines céréalières, autour du laboratoire de Chizé, dans le sud du département des Deux-Sèvres. En 2020, 27 ans plus tard, l’étude continue. Mais entretemps, elle s’est étoffée. Le territoire d’étude a grandi, de 3000 hectares à 45 000 hectares sur 450 exploitations agricoles. Une plaine de grandes cultures, où domine la céréaliculture mais où l’élevage (chèvres, bovins viande, bovins lait) est encore très présent, avec quelques haies et bosquets ! Le spectre des études aussi :
limitée à quelques espèces d’oiseaux (busards, outardes) l’étude concerne aujourd’hui l’ensemble de la biodiversité, des vers de terre aux oiseaux en passant par les plantes, les insectes, les mammifères. Enfin, et peut être surtout, les acteurs du territoire, les agriculteurs dans un premier temps, mais ensuite l’ensemble des acteurs, sont devenus des partenaires du projet. Aujourd’hui, ce territoire d’étude est l’une des 14 zones ateliers qui composent un réseau de recherche, labellisé par le Ministère de la recherche et piloté par le CNRS, unique en son genre. Les zones ateliers adressent des questions sociétales majeures, autour de l’environnement, et pratiquent la recherche action, une forme de recherche participative dans laquelle les acteurs, ou les citoyens, participent aux programmes. Sur la zone atelier Plaine & Val de Sèvre, ce concept a été poussé à l’extrême.
Un programme de recherche à long terme, constitue une démarche destinée à aider à la transition agroécologique.
Fort de 27 années de suivi très précis et très détaillé des oiseaux de plaine agricole, le verdict est clair : les oiseaux des campagnes, des paysages ruraux, sont en déclin spectaculaire. Moins 30% pour les effectifs totaux en 20 ans. Les causes ont été identifiées, elles sont liées, pour l’essentiel, à l’intensification de l’agriculture, qu’il s’agisse des remembrements, de la simplification des paysages, de la disparition des prairies, ou de l’utilisation, massive, des pesticides et des fertilisants de synthèse. Partout en Europe, mais aussi en Amérique du Nord, les mêmes causes produisent les mêmes effets. D’autres travaux que nous avons réalisés ont mis en évidence la nocivité des insecticides néonicotinoïdes, particulièrement toxiques pour les abeilles. Ces études réalisées en plein champs, entre 2012 et 2018, ont largement contribué à l’interdiction totale de ces insecticides dans la Loi Biodiversité de 2016 (interdiction effective depuis 2018). Les insectes aussi ont subi, sur la zone atelier, un déclin spectaculaire, contribuant indirectement à celui des oiseaux (au printemps, la totalité des oiseaux de plaines céréalières nourrissent leurs poussins avec des insectes).
L’un des objectifs concrets du projet de recherche a rapidement été de contribuer à la conservation de la biodiversité, des oiseaux notamment, c’est-à-dire à la fois leurs ressources alimentaires mais aussi leurs milieux de reproduction. Et nous engageons notre petite équipe de recherche dans 12 années d’expérimentations avec les agriculteurs, car conserver la biodiversité revient à changer les pratiques agricoles. Un des objectifs est de limiter l’usage de fertilisants et de pesticides, tout en maintenant les rendements, et donc le revenu des agriculteurs. Comment expérimenter en agroécologie ?
En intégrant directement dans les expériences les agriculteurs, ce qu’ils font volontiers.
Au total, plus de 100 exploitants agricoles se sont engagés dans ces expérimentations à nos côtés. D’emblée, on s’est focalisé sur une démarche de recherche-intervention, dans laquelle les chercheurs influencent directement leur objet d’étude puisqu’ils cherchent à transformer les pratiques comme le désher-bage chimique, la fertilisation, ou le désherbage mécanique.
Les résultats ont été assez spectaculaires. Une réduction de l’usage des herbicides et des engrais azotés ne se traduit pas nécessairement par une baisse de la marge brute, bien au contraire et cela est d’autant plus vrai que le niveau d’usage des intrants est élevé. L’expérimentation a d’abord porté sur une réduction volontaire de la fertilisation azotée et de l’usage des herbicides sur des micro-parcelles test situées dans les céréales d’hiver, les autres pratiques restant constantes. Des suivis de flore adventice et des estimations de biomasse adventice et de culture ont été réalisés dans les zones expérimentales. Les pratiques et les rendements de ces champs étaient aussi enregistrés. Un des résultats a été l’absence d’augmentation de rendement avec une fertilisation plus élevée que la moyenne, certainement due au fait que les rendements observés étaient proches de leur optimum. De même aucune corrélation n’a pu être montrée entre le rendement et le nombre de traitement herbicide ou le nombre de passages pour désherber mécaniquement en bio.