Origine et histoire de nos bocages

 

St Fiacre Patron des jardiniers

Pour mieux comprendre notre identité, il est intéressant de s’interroger sur l’origine de nos paysages. Depuis un demi-siècle, les agressions et destructions de haies bocagères provoquent de vives réactions des habitants des bocages.
Où faut-il aller chercher nos origines afin de mieux comprendre la passion qui nous anime ?

Le paysage est un produit des activités humaines. Il marque les stades d’évolution des populations. Le bocage est un mode de gestion que l’on rencontre communément en Europe et sur d’autres continents. C’est au nord-ouest de l’Irlande que les archéologues ont retrouvé, enfouies sous la tourbe, les traces d’un maillage vieux de 5000 ans. Leur prospection a permis de mettre au jour des restes de village qui prouvent l’existence d’une agriculture évoluée au sein d’un espace agraire organisé en parcellaire entouré de murets et de haies.

C’est bien plus tard que nos paysages de l’ouest vont naître.

Dès le XIIe siècle, les défrichements s’organisent. Les religieux, principaux propriétaires du foncier vont organiser l’aménagement du territoire. Ils développent des modes de faire-valoir comme « le domaine congéable » et « la quevaise ». D’un paysage de forêts et d’espaces ouverts de landes va apparaître le bocage à la fin du Moyen Âge. Il se construit quand la population rurale se densifie. La haie est avant tout créée pour protéger les cultures contre le bétail en divagation. Le système d’élevage extensif basé sur la vaine pâture en espaces ouverts va évoluer vers l’intensification. A partir du XIVe siècle, la fonction majeure de la haie sera de contenir les troupeaux pour éviter leur divagation. Au XVe siècle, les paysans tenanciers des terres et défricheurs s’organisent vers l’appropriation des sols. Ils transforment les haies sèches (clôture de branches mortes) en haies vives et affirment ainsi un acte d’appropriation. C’est la propriété imminente qui sera abolie en 1792.
La pression de l’élevage va créer des conflits avec les forestiers qui supportent de moins en moins la pression des troupeaux dans les espaces boisés, l’exploitation incontrôlée des forêts, le brûlage des landes. L’arrêt du code forestier, en 1827, porte interdiction d’usage public des espaces boisés de l’État.
Le bocage est à son apogée. La population rurale est dense : il faut nourrir les nombreuses familles. La haie va servir de réservoir alimentaire par ses fruits. C’est vers 1850 que seront plantés en grande quantité les derniers gros châtaigniers greffés que nous observons encore de nos jours. La demande en bois de feu et bois d’œuvre est forte pour l’usage domestique, les fours et l’industrie. C’est ainsi que la fonction clôture va dériver vers la fonction production. Un évènement majeur apparaît par la Loi du 6.12.1850 dite « Loi de partage » qui engage chaque propriétaire à partager ses terres en autant d’unités que d’enfants dans la famille ; chaque nouveau propriétaire devra ensuite se clôturer d’une haie vive.
A la fin du XIXe siècle, le bocage est florissant. Pour augmenter l’efficacité de clôture des haies, la gestion par plessage est généralisée. La pression foncière est forte. Des conflits apparaissent sur les limites de propriété. Les haies bougent !
La mode de l’aubépine apparaît vers 1870 ; voici enfin un arbuste épineux sympathique, qui ne drageonne pas, qui fleurit en abondance en mai, mois symbole pour nos populations catholiques de l’ouest. L’épine de Mai sera plantée en abondance jusqu’aux années 30 pour ensuite être interdite à la plantation en fin du XXe siècle sur demande du lobbying arboricole fruitier.

Au cours de la première partie du XXe siècle, le paysan va vivre en harmonie avec son bocage. Les techniques de gestion des arbres et arbustes sont sophistiquées, création et gestion de têtards pour la production de fourrage et de bois de chauffage ; identification et conduite de hauts jets de chênes et merisiers pour le bois d’œuvre, plantation et greffage de fruitiers dans la haie.
La seconde partie du XXe siècle sera moins glorieuse. Après la seconde guerre mondiale jusqu’aux années 60, le système va se maintenir et c’est la loi d’orientation agricole de 1966 qui va provoquer la destruction d’une majorité des systèmes bocagers en organisant le remembrement agricole qui deviendra par la suite l’aménagement foncier.
Le bilan est connu : depuis 1952, perte de 2 500 000 km de haies en France, soit l’équivalent de 150 fois la forêt de Chizé.
Il ne reste plus aujourd’hui que 730 000 km de haies en France, les plantations nouvelles ne faisant que compenser les destructions qui continuent toujours. Certains vous diront que c’est une honnête reconquête de terres agricoles.
Il fallait moderniser les espaces bocagers pour les adapter au machinisme, mais dans la majorité des pays bocagers, il n’y a pas eu de compromis, comme en Bretagne, le Gers ou certaines communes de Vendée ou du Bressuirais.
La haie du XXIe siècle se veut multifonctionnelle. L’atout majeur de nos sociétés est devenu : qualité de l’eau, paysage, biodiversité. Nos stocks de denrées agricoles sont parfois excessifs alors que la qualité de l’eau ne s’améliore pas. Un frein est donné au massacre des haies par la loi d’orientation agricole de 1998. La nouvelle Politique Agricole Commune développe la stratégie des Bonnes Conduites Agro Environnementales. Une nouvelle Loi d’orientation agricole est en préparation.

Nous pouvons toujours espérer un peu plus d’environnement dans l’espace rural, mais l’expérience nous montre qu’il faut surtout éviter les dérives et rester très vigilants si nous souhaitons pérenniser et restaurer nos paysages bocagers qui s’inscrivent bien dans le « développement durable ».

Post Author: Didier Dolé